VENDREDI 8 AVRIL 2022 à 18 h 30
dans la Grande Galerie du Palais Fesch-musée des Beaux-Arts d’Ajaccio,
l’écrivain
ANTOINE COMPAGNON
sera l’invité de Racines de ciel.
Avec SANDRA ALFONSI et MICHEL PERETTI,
ils évoqueront notamment ses derniers essais,
La Vie derrière soi (éd. des Équateurs, 2021)
et Proust du côté juif (éd. Gallimard, 2022)
Une séance de dédicace organisée par la librairie La Marge fera suite à l’entretien.
Biographie
Antoine Compagnon naît à Bruxelles, en 1950. Fils de général, il grandit en Tunisie, à Londres puis à Washington, avant de s’installer en France pour poursuivre ses études. Celles-ci le mènent jusqu’à l’École des ponts et chaussées, où il obtiendra le diplôme d’ingénieur. Avant de consacrer sa vie à la littérature.
Antoine Compagnon est aujourd’hui maître de conférence, romancier, critique littéraire et essayiste. En 1985, il devient docteur d’État ès lettres et enseigne dès lors dans les établissements les plus prestigieux : l’École polytechnique, l’université de Columbia à New-York, la Sorbonne puis, de 2006 à 2021, au Collège de France, à la chaire « Littérature française et contemporaine : histoire, critique, théorie ».
Du côté de l’écriture, l’année 1979 marque la publication de deux premiers ouvrages, l’essai La Seconde main ou le travail de la citation (Seuil) et le roman Le Deuil antérieur (Seuil). Suivront vingt essais, consacrés à Baudelaire, Montaigne ou Pascal, au bouleversement digital (Petits spleens du numérique, éd. des Équateurs, 2015) ou aux Chiffonniers de Paris (Gallimard, 2017) et trois autres romans. Sa dernière œuvre de fiction, L’Âge des lettres (Gallimard, 2015), est dédiée à son ami Roland Barthes.
Deux essais de sa plume paraissent à quelques mois d’intervalle, en 2021 et 2022. Dans La Vie derrière soi (éd. des Équateurs), Antoine Compagnon mène une réflexion, nourrie par ses cours dispensés au Collège de France, sur la fin de vie, le deuil du temps passé, par le prisme littéraire. Spécialiste de Marcel Proust, il écrit également Proust du côté juif (Gallimard), étude sur « ce que Proust avait de juif dans son milieu familial ».
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE
Essais
- La Seconde main ou le travail de la citation, Seuil, 1979
- Nous, Michel de Montaigne, Seuil, 1980
- Proust entre deux siècles, Seuil, 1983
- Le Démon de la théorie, Seuil, 1998
- Les Antimodernes, de Joseph de Maistre à Roland Barthes, Gallimard, 2005, prix de la critique de l’Académie française
- Baudelaire, l’irréductible, Flammarion, 2014
- Petits spleens numériques, éditions des Équateurs, 2015
- La Vie derrière soi, éditions des Équateurs, 2021
- Proust du côté juif, Gallimard, 2022
Romans
- Le Deuil antérieur, Seuil, 1979
- Ferragosto, Flammarion, 1985
- La Classe de rhéto, Gallimard, 2012
- L’Âge des lettres, Gallimard, 2015

Proust du côté juif, Gallimard, 2022
« Il n’y a plus personne, pas même moi, puisque je ne peux me lever, qui aille visiter, le long de la rue du Repos, le petit cimetière juif où mon grand-père, suivant le rite qu’il n’avait jamais compris, allait tous les ans poser un caillou sur la tombe de ses parents. » Tout le monde cite cette phrase de Proust, comme si elle donnait le fin mot de son rapport au judaïsme. Mais personne ne sait d’où elle vient. Madame Proust, née Jeanne Weil, ne s’était pas convertie : « Si je suis catholique comme mon père et mon frère, par contre, ma mère est juive », rappelait Proust à Robert de Montesquiou durant l’affaire Dreyfus. Certains voient dans cet aveu de la distance, voire de la honte de soi comme Juif, de même qu’ils soupçonnent d’antisémitisme les descriptions de Swann, Bloch ou Rachel dans la Recherche. Or il parut d’abord en anglais dans un hebdomadaire sioniste, The Jewish Chronicle, dans un hommage d’André Spire après la mort de Proust. D’où une enquête de deux côtés. D’une part dans la communauté juive. Comment Proust fut-il lu durant les années 1920 et 1930, dans la presse consistoriale, qui n’avait que faire de son roman, et par les jeunes sionistes, qui firent de lui un héros de la « Renaissance juive » ? D’autre part au Père-Lachaise, dans le caveau de Baruch Weil, l’arrière-grand-père de Proust, et auprès de sa descendance, dont Nathé Weil, le grand-père de Proust, et de nombreux oncles et tantes, cousins et cousines inconnus, huissier franc-maçon, colons en Algérie, ingénieur bibliophile, compositeur fou… Les deux fils se nouent et les côtés se rencontrent. Le destinataire de la fameuse phrase était Daniel Halévy, camarade du lycée Condorcet, et le manuscrit de la nécrologie d’André Spire est retrouvé. Le côté juif de Proust n’aurait-il plus de secret ?
La Vie derrière soi, éditions des Équateurs, 2021
Comment finir une vie d’écrivain ? Cette question s’imposa pour ma dernière année d’enseignement au Collège de France en 2020. Parce que la retraite m’attendait au tournant. Parce que je venais de perdre une amie très proche, compagne de longues années. L’hiver était au chagrin. La littérature a un lien essentiel avec la mort, le deuil et la mélancolie. De Montaigne à Roland Barthes, c’est son fil rouge. Pourtant, les œuvres tardives des écrivains ont suscité moins de curiosité que le style de vieillesse des peintres et musiciens, plus affectés par les défaillances de leur corps, la main, l’œil ou l’oreille. « Il faudrait cesser de travailler dans un certain âge ; car tous les hommes vont déclinant », décrète le Bernin devant les derniers tableaux de Poussin. Ces nouvelles leçons poursuivent une méditation sur la fin, à la fois terme et issue, sur l’âge, condition du sénile, mais aussi du sublime, sur les ultima verba, le chant du cygne, la seconde chance, le poète éternel… ad libitum. Que faire du troisième ou du quatrième âge de sa vie ? « Qui connaît le pouvoir du cercle ne craint pas la mort », écrit Maurice Blaanchot, citant Hugo von Hofmannsthal, qui citait lui-même Djalâl ad-Dîn Rûmî. La ronde littéraire ne s’arrête jamais.
